Faits

L’employeur exploite une mine de charbon en Alberta et en raison du milieu hautement dangereux dans lequel il opère ses activités, le maintien de la sécurité sur les chantiers est une priorité pour celui-ci. C’est dans ce contexte qu’il met en place une politique concernant la consommation de drogues, d’alcool et de médicaments.

Selon ce que prévoit cette politique, les employés doivent informer l’employeur d’un problème de consommation ou de dépendance à la drogue, et ce, avant que ne survienne un accident lié à l’usage de ces substances. Dans un tel cas, il est prévu que l’employeur leur offrira un traitement afin de les aider à vaincre leur dépendance, pour ainsi intervenir de façon proactive avant que la santé ou la sécurité des employés ne soit compromise.

À l’inverse, si un accident se produit sans que le salarié ait préalablement informé l’employeur de son problème de consommation et qu’un test de dépistage révèle un résultat positif, l’employeur imposera un congédiement au salarié en vertu de cette politique.

M. Stewart, qui occupe un emploi de conducteur de camion de transport chez l’employeur, consommait de la cocaïne pendant ses jours de congé. Vers la fin d’un quart de travail, Stewart cause un accident avec son camion et ultimement, obtient un résultat positif à un test de dépistage exigé par l’employeur. C’est alors qu’il mentionne à son employeur avoir une dépendance à la cocaïne.

Or, puisque le salarié en question n’avait jamais informé l’employeur de son problème de consommation avant la survenance de l’accident et du test de dépistage, ce dernier procède alors au congédiement immédiat, comme le prévoit d’ailleurs la politique en vigueur.

S’appuyant notamment sur la protection contre la discrimination, consacrée dans le Human Rights, Citizenship and Multiculturalism Act de l’Alberta, et son corollaire, l’obligation d’accommodement raisonnable de l’employeur à l’égard d’un salarié victime d’un handicap, par exemple la dépendance à la drogue, le syndicat conteste la validité du congédiement.

Autant le Tribunal des droits de la personne de l’Alberta que la Cour du Banc de la Reine de même que la Cour d’appel albertaine concluront que le congédiement n’est pas discriminatoire. Pour toutes ces instances, le congédiement n’est pas fondé sur la dépendance à la drogue, mais bien sur une violation de la politique de l’employeur, ce qui écarte donc toute démarche d’accommodement.

Décision

La Cour suprême du Canada, sous la plume de la juge en chef McLachlin, rejette le pourvoi dont elle est saisie. Pour la plus haute instance canadienne, le motif du congédiement était bel et bien la violation de la politique de l’employeur et non pas la dépendance du salarié. À cet égard, le contenu de la lettre de congédiement est un élément central supportant cette conclusion.

Autrement dit, il n’y avait pas, en l’espèce, de lien causal entre le motif de discrimination prohibée (la dépendance à la drogue) et la mesure contestée (le congédiement). Cette constatation fait donc échec à la preuve prima facie de discrimination, laquelle est nécessaire pour déclencher l’obligation d’accommodement raisonnable de l’employeur.

La Cour n’a pas retenu la prétention selon laquelle le déni du salarié, caractéristique fréquente en matière de toxicomanie, l’empêchait d’en informer son employeur. Selon la preuve établie en première instance, Stewart conservait la capacité de faire un choix en ce qui concerne sa consommation de drogue ainsi que sa divulgation à l’employeur. S’il est vrai que Stewart pouvait nier avoir une dépendance, il savait pertinemment qu’il ne pouvait consommer de drogue avant d’aller travailler et avait la faculté de révéler sa consommation à son employeur. Précisons que cette politique permettait de déclarer une dépendance à la drogue sans que celle-ci n’entraîne de conséquences sur le lien d’emploi.

Dans ces circonstances, la preuve de discrimination à première vue n’a pas été établie et l’employeur n’avait, en conséquence, aucune obligation d’accommodement raisonnable.

Les motifs concordants des juges Moldaver et Wagner sont également d’une grande pertinence. Bien qu’ils soient en désaccord avec la majorité sur la question de la preuve de discrimination, ils concluent néanmoins que, même en regard de l’obligation d’accommodement, l’employeur aurait tout de même réussi à démontrer l’existence d’une contrainte excessive, en raison du fait que les enjeux de santé et de sécurité lui imposaient d’agir de façon sérieuse et immédiate face ce genre de manquement. Selon la Cour, l’imposition d’une mesure moins drastique que le congédiement « saperait l’effet dissuasif de la Politique ».

Référence : Stewart c. Elk Valley Coal Corp., 2017 CSC 30.

Conseils pratiques pour les employeurs

À la lumière de cet arrêt, la Cour suprême du Canada avalise les politiques de déclaration obligatoire de consommation ou de dépendance à la drogue avant que ne survienne un accident, dans un milieu de travail dangereux où la priorité de l’employeur est d’assurer la santé et la sécurité de ses salariés.

À cet égard, la politique doit être claire et non ambiguë. De plus, les règles et conséquences associées au non-respect de la politique doivent préalablement être communiquées à tous.

Par ailleurs, il est essentiel que la lettre de congédiement soit rédigée de façon claire, en faisant référence exclusivement au manquement à l’origine de la rupture du lien d’emploi, soit la contravention à la politique de l’employeur sur la déclaration obligatoire d’un problème de consommation.

Enfin, il importe de garder à l’esprit, comme le rappelle la Cour, que l’existence ou non d’une preuve de discrimination demeure une question d’appréciation de la preuve.